NOTA BENE #44 \ Les jours de congés payés doivent-ils être assimilés à du temps de travail effectif pour apprécier le seuil de déclenchement hebdomadaire des heures supplémentaires ?
DROIT DU TRAVAIL: congés payés et seuil de déclenchement des heures supplémentaires Cass. soc., 10-9-2025 no 23-14-455
Dans un arrêt du 10 septembre 2025 (Cass. soc., 10-9-2025 no 23-14-455), la Cour de cassation juge pour la première fois que, pour un salarié soumis à un décompte hebdomadaire de sa durée du travail, les jours de congés payés pris au cours d’une semaine doivent être pris en compte pour le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Continuant son travail de mise en conformité avec le Droit Européen, la Cour de cassation opère un revirement dans un arrêt d’importance, puisque rendu en Formation plénière de chambre (Cass, soc., 10 septembre 2025, n°23-14.455). Les faits de l’espèce sont les suivants.
Trois salariés contestaient la validité de leur forfait de 38,5 heures hebdomadaires, plafonné à 218 jours de travail par an. Dans ce système, les 3,5 heures en sus de la durée légale de 35 heures ne sont pas payées, mais compensées par l’octroi de jours de repos en conséquence du plafonnement à 218 jours de travail.
Cette modalité prévue par la branche SYNTEC n’est admise par la jurisprudence que pour les salariés bénéficiant d’une rémunération a minima égale au plafond annuel de sécurité sociale (Cass. Soc., 13 mars 2019, n° 18-12.926). Or, tel n’était pas le cas en l’espèce. Les forfaits concernés ont donc été déclarés inopposables par la Cour d’Appel de Versailles.
A défaut de forfait valable, il fallait donc revenir sur le terrain du droit commun, à savoir un décompte des heures supplémentaires à la semaine au-delà de 35 heures, sans bénéfice de jours de repos en conséquence du plafond de 218 jours de travail.
Dans ce contexte, les salariés avaient demandé le paiement des 3,5 heures supplémentaires hebdomadaires, sous déduction de l’indemnisation obtenue en compensation des jours de repos non pris. Reprenant le principe de cette déduction, l’employeur avait néanmoins accepté de payer à titre subsidiaire :
- Avec majoration, les heures effectuées au-delà de 35 heures, jusqu’à 38,5 heures hebdomadaires,
- Sans majoration, les heures dépassant la durée quotidienne de travail, mais non celle de 35 heures du fait de la prise de jours isolés de congés payés dans la semaine considérée.
Dès lors, la question qui se posait était : Doit-on assimiler à du temps de travail effectif les jours de congés payés pris de manière isolée dans la semaine, pour apprécier le seuil de déclenchement hebdomadaire des heures supplémentaires ?
Dans un arrêt dont la motivation apparaît contradictoire, la Cour d’Appel de Versailles avait répondu par la négative. Elle est cassée par la Cour de cassation qui accède aux demandes des salariés en vertu du droit européen, sur la base d’une motivation pour le moins surprenante.
A ce titre, la Cour explique qu’un travailleur ne doit pas être dissuadé de prendre ses congés si cela lui génère un désavantage financier, en l’espèce une absence majoration de certaines heures de travail. En pratique, il est assez improbable qu’un salarié fasse ce type de calcul, avant de prendre ou de renoncer à la prise de ses congés payés …
Sur le plan juridique, la Cour de cassation rend donc un peu plus flous les contours de la notion de temps de travail effectif. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois, puisqu’elle avait déjà jugé que le seuil annuel de déclenchement des heures supplémentaires devait être diminué des périodes de maladie (Cass. soc. 13-7-2010 n° 08-44.550 FS-PB).
Au-delà du concept juridique désormais incertain, les impacts pratiques ne sont pas forcément clairs. Doit revoir les paramétrages de la GTA ? Doit-on revoir les paramétrages de la paie ? Doit-on revoir la gestion des congés payés ? Doit-on limiter les conséquences aux 4 semaines de congés payés applicables en vertu du droit européen ? Doit-on anticiper des impacts sur les aménagements du temps de travail ?