NOTA BENE #43 \ Un salarié place en arrêt maladie pendant ses congés payés a-t-il le droit au report des jours de congés coïncidant avec cet arrêt de travail ?
DROIT DU TRAVAIL: arrêt maladie pendant les congés payés Cass. soc. 10-9-2025 no 23-22.732
Dans l’affaire jugée le 10 septembre dernier par la Cour de cassation, une médecin du travail salariée à temps partiel (1,5 jour par semaine) avait contractuellement convenu de bénéficier de toutes les vacances scolaires avec un maintien de rémunération. Il était prévu qu’elle accomplirait des vacations supplémentaires en contrepartie des congés accordés au-delà de ses droits légaux et conventionnels, et qu’une régularisation interviendrait en cas de trop-perçu. Une fois à la retraite, la salariée attaque son ancien employeur et demande le paiement de plusieurs vacations supplémentaires.
En défense, l’employeur est défaillant dans la production d’un décompte du temps de travail. Il conteste malgré tout cette demande, au motif que les droits à congés payés complémentaires accordés ne sont que partiellement compensés par des vacations supplémentaires. Il n’y a donc pas lieu au paiement d’heures complémentaires. De plus, il formule une demande reconventionnelle en remboursement de ces congés payés complémentaires non compensés par des vacations supplémentaires.
Pour calculer le montant de la régularisation due par la salariée, la Cour d’appel de Paris a :
- d’abord déterminé le nombre de jours de congés payés complémentaires accordés en sus des droits légaux et conventionnels,
- pour en déduire :
- les jours d’arrêt maladie,
- les jours de vacations supplémentaires en compensation,
- le résultat final correspondant au remboursement des congés payés indus.
La déduction effectuée par la Cour d’Appel de Paris des jours d’arrêt maladie, consacre le report des droits à congés payés d’un salarié qui tombe malade pendant ses congés. Point qui a fait l’objet du pourvoi devant la Cour de cassation.
Jusqu’alors, la jurisprudence faisait prévaloir la première cause de suspension du contrat. Elle considérait que lorsqu’un salarié tombait malade pendant ses congés payés, il ne pouvait pas demander le report des congés qui coïncidaient avec sa période d’arrêt de travail (Cass. soc., 4-12-1996, n° 93-44.907).
Cette jurisprudence était directement contraire à une décision de la CJUE de 2012 (CJUE, 21 juin 2012 ANGED, C-78/11), qui admettait le principe du report des congés payés coïncidant avec un arrêt de travail. En juin dernier, la France avait d’ailleurs fait l’objet d’une mise en demeure par la Commission européenne de se mettre en conformité avec le droit européen sur ce point.
La Cour de cassation a maintenu sa position historique pendant des années, mais faute d’intervention législative, un revirement de jurisprudence était attendu. Le Ministère du Travail avait d’ailleurs déjà recommandé aux employeurs, via la page dédiée aux congés payés sur son site internet, d’appliquer la règle européenne.
C’est ainsi que par cet arrêt du 10 septembre 2025, la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence pour la mettre en conformité avec le droit Européen, jugeant désormais que « le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie ». La Cour ajoute que le salarié doit notifier un arrêt de travail à son employeur pour pouvoir bénéficier du report de ses droits à congés payés, sans préciser si une forme ou un délai spécifiques sont requis.
La motivation de cette décision, directement inspirée du droit européen, repose sur la distinction entre la finalité des congés payés et celles des arrêts de travail. Pour le Juge européen, il y a deux objets distincts qui justifient deux temps qui ne peuvent pas coïncider :
- les congés payés, doivent permettre au travailleur de se reposer, de se détendre et de profiter de loisirs,
- l’arrêt de travail, doit permettre au travailleur de se rétablir d’une maladie.
Cette distinction entre deux périodes de repos selon leur finalité peut sembler quelque peu artificielle, et donner le sentiment que les obligations qui pèsent sur les entreprises sont vouées à devenir toujours plus nombreuses.
De plus, au-delà du principe, cette décision soulève un certain nombre d’interrogations concernant sa mise en œuvre pratique. Quid de la rétroactivité de cette décision ? Le droit au report est-il limité au congé principal de 4 semaines en vertu du droit européen ? Comment retraiter ces absences en paie ? Quel régime indemnitaire appliquer, avec l’indemnisation des IJSS, les règles de carence et de maintien de salaire ? Quelle procédure pour la gestion de ces droits à congés reportés ?